
C'est un foyer Sonacotra. On dira ADOMA désormais.

La plaquette de la nouvelle société vante le nouveau nom et sa consonance latine comme Ad Domus, « vers la maison ». Lorsqu’on n’est pas très fort en déclinaison, on peut aussi y lire A domus. Sans domicile...

La société est une sociéte d'économie mixte, avec des actionnaires. L'administration est soumise à un impératif de rentabilité. Il faut remplir. Les bénéficiaires de minima sociaux sont bienvenus.La perception du loyer est alors garantie. Dans le placard, les dossiers des résidents. Ils ne sont pas rangés de manière nominative mais par numéros de chambre. C’est plus pratique.

Il y a 300 résidents connus, et les surnuméraires, qui passent vite devant les bureaux.

Les portes ici, ne servent à rien. Fermées, elles s'ouvrent. De toute façon.

La plupart des résidents ne sont nulle part, ni vraiment ici, ni ailleurs non plus. En attente d'un statut, d'un emploi, d'un appartement, qui leur permettraient de construire.

C’est A., rencontré dans une cuisine. Il est fier de me montrer sa pochette rouge, dans laquelle est toute sa vie. Les papiers administratifs nécessaires à la survie en France.

Pour les obtenir, ou avoir des justificatifs variés, les jours sont souvent des suites d'attentes devant des bureaux.

Monsieur X vient d'Algérie. Il a travaillé dans la police pendant les heures noires de 90-91. Il ne peut pas rentrer car il a été témoin sinon instrument de certaines pratiques.

Il passe beaucoup de temps au téléphone pour avoir le statut. Son fils et sa femme ont vécu tout cela. Ils l'ont accompagné. Son fils pose beaucoup de problèmes en classe et dans le foyer. C'est lui qui a fait ces taches dans un des escaliers.

Il y a beaucoup d’hommes seuls ici. Depuis longtemps. Ils ont appris à se faire la cuisine, et à s’occuper de leur linge. À la main pour les anciens, les plus jeunes préférant la laverie.

Dans le temps, les repas se prenaient ensemble. Maintenant, les marmites mijotent toutes seules, et attendent que leurs propriétaires viennent les récupérer.

Depuis l’arrivée de la télévision, la vie a changé ici. Les soirées se passent seul, devant le petit écran, lorsqu’on discutait dans la salle commune.

La cuisine n’est plus qu’un lieu de passage.

Certains vont même jusqu’à pousser l’enfermement à se faire la cuisine dans leur chambre.

Il y a de nombreux retraités ici. Ils y ont fait leur vie, sans la faire vraiment.

Ils la terminent ici, dans d'autres refuges.

Quand l'un d'eux disparaît, si la famille vient à manquer, ses camarades se cotisent et lui offrent le voyage du retour.

A est retraité maintenant. Il aime beaucoup les films de guerre et les films d'horreur.

Il est seul dans sa chambre sauf ce petit oiseau, dans sa cage. Au bord de la mise en abîme. Entre alcool bon marché, cigarettes fumées l'une sur l'autre et schizophrénie... Il vénère son fils: " Le fils, c'est un ange. "

M. est ici depuis plus de vingt ans. Il est heureux aujourd'hui, il va avoir un studio. Il n'a plus trop de place dans ses 7 m2.

Lorsqu’on a fermé l’hôpital psychiatrique, il a fallu reloger ses « résidents ». Ceux dont c’était possible sans trop de risque. Pendant quelque temps, on a régulièrement retrouvé des défénestrés dans la cour. Cela s’est calmé depuis.

Mr L. prend trois cachets de couleur différente chaque jour.

C'est A., un autre. Il passe beaucoup de temps à la fenêtre à penser au pays, à ce qu'il y a laissé. Il peut passer des heures à regarder l’immeuble en face. C’est la même façade que celle où il se trouve. Mais sans lui.

Dans un couloir, il y a cet autocollant posé par terre.

Les femmes sont peu nombreuses dans le foyer, avec quelques enfants. Elles rasent les murs dans les couloirs où les rencontres ne sont pas forcément les meilleures. On essaye de les regrouper aux étages les plus calmes, mais la peur est là.

Les enfants eux, font leurs devoirs où ils peuvent, et tentent de grandir sous la lumière des néons.

C’est la chambre d’un jeune soudanais. Il fait partie des premiers arrivés à avoir alerté ceux qui voulaient l’entendre sur ce qui allait arriver dans son pays. Il a été débouté 2 fois. A la fin, les USA ont parlé de génocide : on lui a donné son statut.

Tous les jours il est passé aux boîtes aux lettres, dans l'attente de réponses. Un de ses amis, fragile psychiquement, après les tortures subies, n’a pas trouvé d’oreilles suffisamment attentives pour l’entendre. Il a été expulsé vers le Soudan. Il n’a pas donné de nouvelles…

C’est devant la chambre d’U., une jeune réfugiée Somalienne. A son arrivée, elle a beaucoup pleuré. Elle a son statut de réfugié. Mais tout est compliqué.

Avant, c’est l’espoir d’avoir des papiers. Après, c’est le désespoir de ne pas avoir de travail. Alors qu’elle a une licence d’anglais et qu’elle a appris le Français en quatre mois…

Les nouveaux arrivés sont de moins en moins nombreux. Ils se tiennent au courant du pays, presque quotidiennement.

Les nouveaux arrivants mangent encore dans les cuisines communes, au moins pendant quelques semaines. Il y avait 10364 demandes d'asile en 2001. Il y en a eu 2727 en 2006. ( Ministère de l'Intérieur) Les chiffres des expulsions font l'objet d'un contrat d'objectif depuis Juin 2007.

Un nouvel arrivant découvre sa chambre. Il trouve son trousseau emballé et disposé sur le lit.

Il est passé par l'escalier de secours. L'ascenseur est en panne.



































C'est un foyer Sonacotra. On dira ADOMA désormais.
La plaquette de la nouvelle société vante le nouveau nom et sa consonance latine comme Ad Domus, « vers la maison ». Lorsqu’on n’est pas très fort en déclinaison, on peut aussi y lire A domus. Sans domicile...
La société est une sociéte d'économie mixte, avec des actionnaires. L'administration est soumise à un impératif de rentabilité. Il faut remplir. Les bénéficiaires de minima sociaux sont bienvenus.La perception du loyer est alors garantie. Dans le placard, les dossiers des résidents. Ils ne sont pas rangés de manière nominative mais par numéros de chambre. C’est plus pratique.
Il y a 300 résidents connus, et les surnuméraires, qui passent vite devant les bureaux.
Les portes ici, ne servent à rien. Fermées, elles s'ouvrent. De toute façon.
La plupart des résidents ne sont nulle part, ni vraiment ici, ni ailleurs non plus. En attente d'un statut, d'un emploi, d'un appartement, qui leur permettraient de construire.
C’est A., rencontré dans une cuisine. Il est fier de me montrer sa pochette rouge, dans laquelle est toute sa vie. Les papiers administratifs nécessaires à la survie en France.
Pour les obtenir, ou avoir des justificatifs variés, les jours sont souvent des suites d'attentes devant des bureaux.
Monsieur X vient d'Algérie. Il a travaillé dans la police pendant les heures noires de 90-91. Il ne peut pas rentrer car il a été témoin sinon instrument de certaines pratiques.
Il passe beaucoup de temps au téléphone pour avoir le statut. Son fils et sa femme ont vécu tout cela. Ils l'ont accompagné. Son fils pose beaucoup de problèmes en classe et dans le foyer. C'est lui qui a fait ces taches dans un des escaliers.
Il y a beaucoup d’hommes seuls ici. Depuis longtemps. Ils ont appris à se faire la cuisine, et à s’occuper de leur linge. À la main pour les anciens, les plus jeunes préférant la laverie.
Dans le temps, les repas se prenaient ensemble. Maintenant, les marmites mijotent toutes seules, et attendent que leurs propriétaires viennent les récupérer.
Depuis l’arrivée de la télévision, la vie a changé ici. Les soirées se passent seul, devant le petit écran, lorsqu’on discutait dans la salle commune.
La cuisine n’est plus qu’un lieu de passage.
Certains vont même jusqu’à pousser l’enfermement à se faire la cuisine dans leur chambre.
Il y a de nombreux retraités ici. Ils y ont fait leur vie, sans la faire vraiment.
Ils la terminent ici, dans d'autres refuges.
Quand l'un d'eux disparaît, si la famille vient à manquer, ses camarades se cotisent et lui offrent le voyage du retour.
A est retraité maintenant. Il aime beaucoup les films de guerre et les films d'horreur.
Il est seul dans sa chambre sauf ce petit oiseau, dans sa cage. Au bord de la mise en abîme. Entre alcool bon marché, cigarettes fumées l'une sur l'autre et schizophrénie... Il vénère son fils: " Le fils, c'est un ange. "
M. est ici depuis plus de vingt ans. Il est heureux aujourd'hui, il va avoir un studio. Il n'a plus trop de place dans ses 7 m2.
Lorsqu’on a fermé l’hôpital psychiatrique, il a fallu reloger ses « résidents ». Ceux dont c’était possible sans trop de risque. Pendant quelque temps, on a régulièrement retrouvé des défénestrés dans la cour. Cela s’est calmé depuis.
Mr L. prend trois cachets de couleur différente chaque jour.
C'est A., un autre. Il passe beaucoup de temps à la fenêtre à penser au pays, à ce qu'il y a laissé. Il peut passer des heures à regarder l’immeuble en face. C’est la même façade que celle où il se trouve. Mais sans lui.
Dans un couloir, il y a cet autocollant posé par terre.
Les femmes sont peu nombreuses dans le foyer, avec quelques enfants. Elles rasent les murs dans les couloirs où les rencontres ne sont pas forcément les meilleures. On essaye de les regrouper aux étages les plus calmes, mais la peur est là.
Les enfants eux, font leurs devoirs où ils peuvent, et tentent de grandir sous la lumière des néons.
C’est la chambre d’un jeune soudanais. Il fait partie des premiers arrivés à avoir alerté ceux qui voulaient l’entendre sur ce qui allait arriver dans son pays. Il a été débouté 2 fois. A la fin, les USA ont parlé de génocide : on lui a donné son statut.
Tous les jours il est passé aux boîtes aux lettres, dans l'attente de réponses. Un de ses amis, fragile psychiquement, après les tortures subies, n’a pas trouvé d’oreilles suffisamment attentives pour l’entendre. Il a été expulsé vers le Soudan. Il n’a pas donné de nouvelles…
C’est devant la chambre d’U., une jeune réfugiée Somalienne. A son arrivée, elle a beaucoup pleuré. Elle a son statut de réfugié. Mais tout est compliqué.
Avant, c’est l’espoir d’avoir des papiers. Après, c’est le désespoir de ne pas avoir de travail. Alors qu’elle a une licence d’anglais et qu’elle a appris le Français en quatre mois…
Les nouveaux arrivés sont de moins en moins nombreux. Ils se tiennent au courant du pays, presque quotidiennement.
Les nouveaux arrivants mangent encore dans les cuisines communes, au moins pendant quelques semaines. Il y avait 10364 demandes d'asile en 2001. Il y en a eu 2727 en 2006. ( Ministère de l'Intérieur) Les chiffres des expulsions font l'objet d'un contrat d'objectif depuis Juin 2007.
Un nouvel arrivant découvre sa chambre. Il trouve son trousseau emballé et disposé sur le lit.
Il est passé par l'escalier de secours. L'ascenseur est en panne.