6 Décembre 1988. La terre tremble à 50 km d'Ashotsk, au nord-ouest de l'Arménie. Il est 11H40. Monsieur Stéfésov était chauffeur. Derrière lui, les ruines toujours debouts d'un des nombreux immeubles évacués.

6 Décembre 1988. La terre tremble à 50 km d'Ashotsk, au nord-ouest de l'Arménie. Il est 11H40. Monsieur Stéfésov était chauffeur. Derrière lui, les ruines toujours debouts d'un des nombreux immeubles évacués.

 Le séisme, d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, fait 30000 victimes et plus de 500000 sans-abris. Gyumri, la deuxième ville du pays est détruite à 60 %. Ashotsk, à 25 kilomètres de là, n'est pas épargnée. Dans une rue de la ville, un immeu

Le séisme, d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, fait 30000 victimes et plus de 500000 sans-abris. Gyumri, la deuxième ville du pays est détruite à 60 %. Ashotsk, à 25 kilomètres de là, n'est pas épargnée. Dans une rue de la ville, un immeuble évacué. Les ruines, omniprésentes, pèsent sur le quotidien des habitants.

 Karen Abreyan, premier adjoint au maire d'Ashotsk. "ll y a eu 11 victimes et beaucoup de dégats. Tout le monde a été obligé d’abandonner son logement. Ils menaçaient de s’écrouler. Je travaillais en face de la mairie. Le sol faisait comme des vagues

Karen Abreyan, premier adjoint au maire d'Ashotsk. "ll y a eu 11 victimes et beaucoup de dégats. Tout le monde a été obligé d’abandonner son logement. Ils menaçaient de s’écrouler. Je travaillais en face de la mairie. Le sol faisait comme des vagues. Je n’arrivais plus à m’orienter..."

 Anna a perdu son mari. Elle vit avec ses enfants, Arman et Vartuhi, dans un domik d'Ardénis, un village près d'Ashotsk. Son nouveau compagnon a 27 ans et une hernie. Il travaille dans une porcherie où il gagne 30000 Drams par mois (60 euros). Le sal

Anna a perdu son mari. Elle vit avec ses enfants, Arman et Vartuhi, dans un domik d'Ardénis, un village près d'Ashotsk. Son nouveau compagnon a 27 ans et une hernie. Il travaille dans une porcherie où il gagne 30000 Drams par mois (60 euros). Le salaire mensuel moyen était de 120000 Drams en Novembre 2012 selon le Service National de la Statistique. Il préfère habiter ici qu'à la ville." C'est plus dur mais moins cher." Il vient de Gyumri et a perdu 3 frères dans le tremblement de terre.

 L'ancien cimetière d'Ashotsk, en centre-ville.

L'ancien cimetière d'Ashotsk, en centre-ville.

 À Ashotsk, dans une usine désaffectée.

À Ashotsk, dans une usine désaffectée.

 Micha a travaillé près de 60 ans. Aujourd'hui, il passe au bureau de poste pour toucher ses 100$ de pension. Il arrive parfois qu'un grand-père hospitalisé soit sorti de l'hôpital pour aller retirer son argent: dans de nombreuses familles, la pensio

Micha a travaillé près de 60 ans. Aujourd'hui, il passe au bureau de poste pour toucher ses 100$ de pension. Il arrive parfois qu'un grand-père hospitalisé soit sorti de l'hôpital pour aller retirer son argent: dans de nombreuses familles, la pension des grands-parents est le seul revenu.

 En 1989, la fin de l'URSS fait renaître les conflits territoriaux enfouis pendant l'époque soviétique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan voisin. Entre 1988 et 1994, la guerre laisse près de 20000 morts et des centaines de miliers de déplacés des 2 côt

En 1989, la fin de l'URSS fait renaître les conflits territoriaux enfouis pendant l'époque soviétique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan voisin. Entre 1988 et 1994, la guerre laisse près de 20000 morts et des centaines de miliers de déplacés des 2 côtés de la frontière. Dans certains endroits, les cimetières sont profanés. À Zorakert, un village près d'Ashotsk, le cimetière azéri, abandonné, n'a lui, pas été touché.

 Financés par des ONG, les soins ont longtemps été gratuits à l'hôpital d'Ashotsk, ainsi que les repas et les nuits. Depuis peu, les adultes hospitalisés payent un prix modique pour les opérations et les consultations. Dans le reste du pays, seuls le

Financés par des ONG, les soins ont longtemps été gratuits à l'hôpital d'Ashotsk, ainsi que les repas et les nuits. Depuis peu, les adultes hospitalisés payent un prix modique pour les opérations et les consultations. Dans le reste du pays, seuls les enfants de moins de 7 ans, les militaires et la maternité sont pris en charge. Pour les autres, la question du prix des soins reste opaque. Dans le hall, un matin avant l'ouverture des consultations.

 Dans un des hangars, une employée trie les dons reçus par l'hôpital. Les vêtements sont distribués aux habitants de la région. C'est pour beaucoup un des seuls moyen de s'habiller.

Dans un des hangars, une employée trie les dons reçus par l'hôpital. Les vêtements sont distribués aux habitants de la région. C'est pour beaucoup un des seuls moyen de s'habiller.

 Aïda n'a pas de travail. Elle s'occupe de ses 7 enfants à la maison. Mariam, la dernière, a 4 mois. Outre le faible salaire de Vova, la famille n'a que l'aide humanitaire pour survivre.

Aïda n'a pas de travail. Elle s'occupe de ses 7 enfants à la maison. Mariam, la dernière, a 4 mois. Outre le faible salaire de Vova, la famille n'a que l'aide humanitaire pour survivre.

 À gauche, la route pour Gyumri, puis Yérévan. Tout droit, la frontière turque à moins de 20 kilomètres. Elle est fermée, entravant les déplacements et le commerce. Enfin, à droite et à 8 kilomètres, la Géorgie. Puis la Russie.

À gauche, la route pour Gyumri, puis Yérévan. Tout droit, la frontière turque à moins de 20 kilomètres. Elle est fermée, entravant les déplacements et le commerce. Enfin, à droite et à 8 kilomètres, la Géorgie. Puis la Russie.

 À ce jour, l'exil saisonnier est la seule solution trouvée par de nombreux hommes, pour nourrir leur famille. Artak a passé 5 ans en Russie. "Je suis chauffeur pour la compagnie nationale d'éléctricité. C'est pas terrible mais mieux que la Russie. J

À ce jour, l'exil saisonnier est la seule solution trouvée par de nombreux hommes, pour nourrir leur famille. Artak a passé 5 ans en Russie. "Je suis chauffeur pour la compagnie nationale d'éléctricité. C'est pas terrible mais mieux que la Russie. Je suis près de ma famille et c'est le plus important. " Il vit avec sa femme et leurs 2 enfants. La famille a 2 vaches, dont l'une sera mangée à Noël.

 Lilith s'occupe de son fils Narek cet après-midi. Il est encore petit pour rejoindre sa soeur Hripsimé. Elle est au jardin d'enfants, qui vient de réouvrir. Lévon, le père, part parfois en Russie pour y trouver du travail. Il est à Ashotsk en ce mom

Lilith s'occupe de son fils Narek cet après-midi. Il est encore petit pour rejoindre sa soeur Hripsimé. Elle est au jardin d'enfants, qui vient de réouvrir. Lévon, le père, part parfois en Russie pour y trouver du travail. Il est à Ashotsk en ce moment. Ils ont eu un premier enfant gravement handicapé, mais il est décédé il y a plus de 3 ans. Il n'a pas survécu à une infection. Lilith pense souvent lui.

 Julieta et sa belle-fille Rousanna. Leur domik, après transformation, ressemble désormais à une maison. Cet après-midi, elles stockent les pains de atar ( bouse de vaches ) qui serviront à les chauffer cet hiver. Julieta est veuve. Le mari de Rousan

Julieta et sa belle-fille Rousanna. Leur domik, après transformation, ressemble désormais à une maison. Cet après-midi, elles stockent les pains de atar ( bouse de vaches ) qui serviront à les chauffer cet hiver. Julieta est veuve. Le mari de Rousanna est lui aussi parti travailler en Russie. Le couple a 3 filles, et un fils au Karabagh qui sert sur la frontière en ce moment. Et il y a 2 jours ( le 1er Octobre 2014), un soldat arménien a été tué sur la frontière...

 À Ashotsk, le raccordement au gaz coûte 200$ (160 €). L'argent gagné à l'étranger, ou envoyé par les expatriés, permet aux familles qui en bénéficient, d'améliorer le quotidien. En achetant par exemple, une vache ou un veau, ou en payant le raccorde

À Ashotsk, le raccordement au gaz coûte 200$ (160 €). L'argent gagné à l'étranger, ou envoyé par les expatriés, permet aux familles qui en bénéficient, d'améliorer le quotidien. En achetant par exemple, une vache ou un veau, ou en payant le raccordement. Le gaz ne servira cependant qu'à faire la cuisine. Se chauffer au atar est bien moins coûteux.

 Jorik et son frère Hovo habitent à Garnarish. Le père des 2 garçons est parti en Russie cette année. Mais il a passé 2 mois en prison comme travailleur sans papier. Et n'a pas été payé par son employeur...

Jorik et son frère Hovo habitent à Garnarish. Le père des 2 garçons est parti en Russie cette année. Mais il a passé 2 mois en prison comme travailleur sans papier. Et n'a pas été payé par son employeur...

 L'École d'Art a réouvert il y a peu. Une centaine d'enfants est accueillie, pour 2000 Drams mensuels (4 €). Il peuvent y suivre des cours de kanoun ( cithare), de piano, ou de danse arménienne. Dans une pièce, comme un autel: le drapeau arménien, un

L'École d'Art a réouvert il y a peu. Une centaine d'enfants est accueillie, pour 2000 Drams mensuels (4 €). Il peuvent y suivre des cours de kanoun ( cithare), de piano, ou de danse arménienne. Dans une pièce, comme un autel: le drapeau arménien, une photographie d'un héros de la première république et celle du président actuel. La culture comme ferment de l'identité arménienne.

 À la Maison de la Culture, où l'on trouve bibliothèque et ateliers de dessin et broderie, Shushan a gagné le Premier Prix du Concours d'aquarelle. Elle a 13 ans, et son dessin figure le génocide arménien. " Je m'appelle Shushan. Dans mon dessin, j'a

À la Maison de la Culture, où l'on trouve bibliothèque et ateliers de dessin et broderie, Shushan a gagné le Premier Prix du Concours d'aquarelle. Elle a 13 ans, et son dessin figure le génocide arménien. " Je m'appelle Shushan. Dans mon dessin, j'ai décrit... (Elle se reprend.) J'ai dédié mon dessin au génocide. J'ai peint un arbre qui représente l'Arménie, ses racines sont profondes dans la terre. Et les carnassiers représentent les Turcs, qui veulent déraciner l'arbre. Mais ils ont beau essayer encore et encore, ils n'arrivent pas, jamais, à le déraciner totalement. Les carnassiers sont les Turcs. Là, c'est le sang des victimes innocentes. Et les Arméniens ont installé sur l'arbre leur nid paisible, leur berceau. "

 À l'école, dont la reconstruction a été financée par le Fond Arménien de France, Kariné Katchatrian donne les cours d'Histoire Religieuse de l'Église Arménienne. Les enfants y étudient les textes et apprennent les prières. Dans la salle des professe

À l'école, dont la reconstruction a été financée par le Fond Arménien de France, Kariné Katchatrian donne les cours d'Histoire Religieuse de l'Église
Arménienne. Les enfants y étudient les textes et apprennent les prières. Dans la salle des professeurs, une de ses collègues montre à tous une vidéo de
son fils à l'armée, postée sur Youtube. Les appelés passent 2 mois au front et reviennent 15 jours, pendant 2 ans. Le fils de Kariné Katcharian y est aussi
en ce moment. Ils étaient tous les deux encore étudiants ici il y a peu. " Je suis inquiète tout le temps. Et quand je n'ai pas de coup de fil pendant 2 jours... "

 Nazéli a 12 ans et rentre de l'école. En classe de 12ème, à 15 ans, elle suivra comme tous un cours d'instruction militaire, où garçons et filles apprendront notamment à se servir d'une Kalachnikov. Pour l'instant, elle a ses devoirs à faire. À l'is

Nazéli a 12 ans et rentre de l'école. En classe de 12ème, à 15 ans, elle suivra comme tous un cours d'instruction militaire, où garçons et filles apprendront
notamment à se servir d'une Kalachnikov. Pour l'instant, elle a ses devoirs à faire. À l'issue de leurs études secondaires, de nombreuses filles arrêtent leur
scolarité pour se marier et fonder une famille. La poursuite d'études est un luxe sans aide humanitaire.

 Comme un condensé de l'Arménie de ces dernières décennies... À la sortie d'Ashotsk, une quinzaine de jeunes se retrouvent chaque soir. Artur et sa femme Alla, anciens champions internationaux de ski de fond, les font transpirer. Faute d'altères, l'e

Comme un condensé de l'Arménie de ces dernières décennies... À la sortie d'Ashotsk, une quinzaine de jeunes se retrouvent chaque soir. Artur et sa
femme Alla, anciens champions internationaux de ski de fond, les font transpirer. Faute d'altères, l'entrainement se fait avec des pierres.

 6 Décembre 1988. La terre tremble à 50 km d'Ashotsk, au nord-ouest de l'Arménie. Il est 11H40. Monsieur Stéfésov était chauffeur. Derrière lui, les ruines toujours debouts d'un des nombreux immeubles évacués.
 Le séisme, d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, fait 30000 victimes et plus de 500000 sans-abris. Gyumri, la deuxième ville du pays est détruite à 60 %. Ashotsk, à 25 kilomètres de là, n'est pas épargnée. Dans une rue de la ville, un immeu
 Karen Abreyan, premier adjoint au maire d'Ashotsk. "ll y a eu 11 victimes et beaucoup de dégats. Tout le monde a été obligé d’abandonner son logement. Ils menaçaient de s’écrouler. Je travaillais en face de la mairie. Le sol faisait comme des vagues
 Anna a perdu son mari. Elle vit avec ses enfants, Arman et Vartuhi, dans un domik d'Ardénis, un village près d'Ashotsk. Son nouveau compagnon a 27 ans et une hernie. Il travaille dans une porcherie où il gagne 30000 Drams par mois (60 euros). Le sal
 L'ancien cimetière d'Ashotsk, en centre-ville.
 À Ashotsk, dans une usine désaffectée.
 Micha a travaillé près de 60 ans. Aujourd'hui, il passe au bureau de poste pour toucher ses 100$ de pension. Il arrive parfois qu'un grand-père hospitalisé soit sorti de l'hôpital pour aller retirer son argent: dans de nombreuses familles, la pensio
 En 1989, la fin de l'URSS fait renaître les conflits territoriaux enfouis pendant l'époque soviétique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan voisin. Entre 1988 et 1994, la guerre laisse près de 20000 morts et des centaines de miliers de déplacés des 2 côt
 Financés par des ONG, les soins ont longtemps été gratuits à l'hôpital d'Ashotsk, ainsi que les repas et les nuits. Depuis peu, les adultes hospitalisés payent un prix modique pour les opérations et les consultations. Dans le reste du pays, seuls le
 Dans un des hangars, une employée trie les dons reçus par l'hôpital. Les vêtements sont distribués aux habitants de la région. C'est pour beaucoup un des seuls moyen de s'habiller.
 Aïda n'a pas de travail. Elle s'occupe de ses 7 enfants à la maison. Mariam, la dernière, a 4 mois. Outre le faible salaire de Vova, la famille n'a que l'aide humanitaire pour survivre.
 À gauche, la route pour Gyumri, puis Yérévan. Tout droit, la frontière turque à moins de 20 kilomètres. Elle est fermée, entravant les déplacements et le commerce. Enfin, à droite et à 8 kilomètres, la Géorgie. Puis la Russie.
 À ce jour, l'exil saisonnier est la seule solution trouvée par de nombreux hommes, pour nourrir leur famille. Artak a passé 5 ans en Russie. "Je suis chauffeur pour la compagnie nationale d'éléctricité. C'est pas terrible mais mieux que la Russie. J
 Lilith s'occupe de son fils Narek cet après-midi. Il est encore petit pour rejoindre sa soeur Hripsimé. Elle est au jardin d'enfants, qui vient de réouvrir. Lévon, le père, part parfois en Russie pour y trouver du travail. Il est à Ashotsk en ce mom
 Julieta et sa belle-fille Rousanna. Leur domik, après transformation, ressemble désormais à une maison. Cet après-midi, elles stockent les pains de atar ( bouse de vaches ) qui serviront à les chauffer cet hiver. Julieta est veuve. Le mari de Rousan
 À Ashotsk, le raccordement au gaz coûte 200$ (160 €). L'argent gagné à l'étranger, ou envoyé par les expatriés, permet aux familles qui en bénéficient, d'améliorer le quotidien. En achetant par exemple, une vache ou un veau, ou en payant le raccorde
 Jorik et son frère Hovo habitent à Garnarish. Le père des 2 garçons est parti en Russie cette année. Mais il a passé 2 mois en prison comme travailleur sans papier. Et n'a pas été payé par son employeur...
 L'École d'Art a réouvert il y a peu. Une centaine d'enfants est accueillie, pour 2000 Drams mensuels (4 €). Il peuvent y suivre des cours de kanoun ( cithare), de piano, ou de danse arménienne. Dans une pièce, comme un autel: le drapeau arménien, un
 À la Maison de la Culture, où l'on trouve bibliothèque et ateliers de dessin et broderie, Shushan a gagné le Premier Prix du Concours d'aquarelle. Elle a 13 ans, et son dessin figure le génocide arménien. " Je m'appelle Shushan. Dans mon dessin, j'a
 À l'école, dont la reconstruction a été financée par le Fond Arménien de France, Kariné Katchatrian donne les cours d'Histoire Religieuse de l'Église Arménienne. Les enfants y étudient les textes et apprennent les prières. Dans la salle des professe
 Nazéli a 12 ans et rentre de l'école. En classe de 12ème, à 15 ans, elle suivra comme tous un cours d'instruction militaire, où garçons et filles apprendront notamment à se servir d'une Kalachnikov. Pour l'instant, elle a ses devoirs à faire. À l'is
 Comme un condensé de l'Arménie de ces dernières décennies... À la sortie d'Ashotsk, une quinzaine de jeunes se retrouvent chaque soir. Artur et sa femme Alla, anciens champions internationaux de ski de fond, les font transpirer. Faute d'altères, l'e

6 Décembre 1988. La terre tremble à 50 km d'Ashotsk, au nord-ouest de l'Arménie. Il est 11H40. Monsieur Stéfésov était chauffeur. Derrière lui, les ruines toujours debouts d'un des nombreux immeubles évacués.

Le séisme, d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter, fait 30000 victimes et plus de 500000 sans-abris. Gyumri, la deuxième ville du pays est détruite à 60 %. Ashotsk, à 25 kilomètres de là, n'est pas épargnée. Dans une rue de la ville, un immeuble évacué. Les ruines, omniprésentes, pèsent sur le quotidien des habitants.

Karen Abreyan, premier adjoint au maire d'Ashotsk. "ll y a eu 11 victimes et beaucoup de dégats. Tout le monde a été obligé d’abandonner son logement. Ils menaçaient de s’écrouler. Je travaillais en face de la mairie. Le sol faisait comme des vagues. Je n’arrivais plus à m’orienter..."

Anna a perdu son mari. Elle vit avec ses enfants, Arman et Vartuhi, dans un domik d'Ardénis, un village près d'Ashotsk. Son nouveau compagnon a 27 ans et une hernie. Il travaille dans une porcherie où il gagne 30000 Drams par mois (60 euros). Le salaire mensuel moyen était de 120000 Drams en Novembre 2012 selon le Service National de la Statistique. Il préfère habiter ici qu'à la ville." C'est plus dur mais moins cher." Il vient de Gyumri et a perdu 3 frères dans le tremblement de terre.

L'ancien cimetière d'Ashotsk, en centre-ville.

À Ashotsk, dans une usine désaffectée.

Micha a travaillé près de 60 ans. Aujourd'hui, il passe au bureau de poste pour toucher ses 100$ de pension. Il arrive parfois qu'un grand-père hospitalisé soit sorti de l'hôpital pour aller retirer son argent: dans de nombreuses familles, la pension des grands-parents est le seul revenu.

En 1989, la fin de l'URSS fait renaître les conflits territoriaux enfouis pendant l'époque soviétique entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan voisin. Entre 1988 et 1994, la guerre laisse près de 20000 morts et des centaines de miliers de déplacés des 2 côtés de la frontière. Dans certains endroits, les cimetières sont profanés. À Zorakert, un village près d'Ashotsk, le cimetière azéri, abandonné, n'a lui, pas été touché.

Financés par des ONG, les soins ont longtemps été gratuits à l'hôpital d'Ashotsk, ainsi que les repas et les nuits. Depuis peu, les adultes hospitalisés payent un prix modique pour les opérations et les consultations. Dans le reste du pays, seuls les enfants de moins de 7 ans, les militaires et la maternité sont pris en charge. Pour les autres, la question du prix des soins reste opaque. Dans le hall, un matin avant l'ouverture des consultations.

Dans un des hangars, une employée trie les dons reçus par l'hôpital. Les vêtements sont distribués aux habitants de la région. C'est pour beaucoup un des seuls moyen de s'habiller.

Aïda n'a pas de travail. Elle s'occupe de ses 7 enfants à la maison. Mariam, la dernière, a 4 mois. Outre le faible salaire de Vova, la famille n'a que l'aide humanitaire pour survivre.

À gauche, la route pour Gyumri, puis Yérévan. Tout droit, la frontière turque à moins de 20 kilomètres. Elle est fermée, entravant les déplacements et le commerce. Enfin, à droite et à 8 kilomètres, la Géorgie. Puis la Russie.

À ce jour, l'exil saisonnier est la seule solution trouvée par de nombreux hommes, pour nourrir leur famille. Artak a passé 5 ans en Russie. "Je suis chauffeur pour la compagnie nationale d'éléctricité. C'est pas terrible mais mieux que la Russie. Je suis près de ma famille et c'est le plus important. " Il vit avec sa femme et leurs 2 enfants. La famille a 2 vaches, dont l'une sera mangée à Noël.

Lilith s'occupe de son fils Narek cet après-midi. Il est encore petit pour rejoindre sa soeur Hripsimé. Elle est au jardin d'enfants, qui vient de réouvrir. Lévon, le père, part parfois en Russie pour y trouver du travail. Il est à Ashotsk en ce moment. Ils ont eu un premier enfant gravement handicapé, mais il est décédé il y a plus de 3 ans. Il n'a pas survécu à une infection. Lilith pense souvent lui.

Julieta et sa belle-fille Rousanna. Leur domik, après transformation, ressemble désormais à une maison. Cet après-midi, elles stockent les pains de atar ( bouse de vaches ) qui serviront à les chauffer cet hiver. Julieta est veuve. Le mari de Rousanna est lui aussi parti travailler en Russie. Le couple a 3 filles, et un fils au Karabagh qui sert sur la frontière en ce moment. Et il y a 2 jours ( le 1er Octobre 2014), un soldat arménien a été tué sur la frontière...

À Ashotsk, le raccordement au gaz coûte 200$ (160 €). L'argent gagné à l'étranger, ou envoyé par les expatriés, permet aux familles qui en bénéficient, d'améliorer le quotidien. En achetant par exemple, une vache ou un veau, ou en payant le raccordement. Le gaz ne servira cependant qu'à faire la cuisine. Se chauffer au atar est bien moins coûteux.

Jorik et son frère Hovo habitent à Garnarish. Le père des 2 garçons est parti en Russie cette année. Mais il a passé 2 mois en prison comme travailleur sans papier. Et n'a pas été payé par son employeur...

L'École d'Art a réouvert il y a peu. Une centaine d'enfants est accueillie, pour 2000 Drams mensuels (4 €). Il peuvent y suivre des cours de kanoun ( cithare), de piano, ou de danse arménienne. Dans une pièce, comme un autel: le drapeau arménien, une photographie d'un héros de la première république et celle du président actuel. La culture comme ferment de l'identité arménienne.

À la Maison de la Culture, où l'on trouve bibliothèque et ateliers de dessin et broderie, Shushan a gagné le Premier Prix du Concours d'aquarelle. Elle a 13 ans, et son dessin figure le génocide arménien. " Je m'appelle Shushan. Dans mon dessin, j'ai décrit... (Elle se reprend.) J'ai dédié mon dessin au génocide. J'ai peint un arbre qui représente l'Arménie, ses racines sont profondes dans la terre. Et les carnassiers représentent les Turcs, qui veulent déraciner l'arbre. Mais ils ont beau essayer encore et encore, ils n'arrivent pas, jamais, à le déraciner totalement. Les carnassiers sont les Turcs. Là, c'est le sang des victimes innocentes. Et les Arméniens ont installé sur l'arbre leur nid paisible, leur berceau. "

À l'école, dont la reconstruction a été financée par le Fond Arménien de France, Kariné Katchatrian donne les cours d'Histoire Religieuse de l'Église
Arménienne. Les enfants y étudient les textes et apprennent les prières. Dans la salle des professeurs, une de ses collègues montre à tous une vidéo de
son fils à l'armée, postée sur Youtube. Les appelés passent 2 mois au front et reviennent 15 jours, pendant 2 ans. Le fils de Kariné Katcharian y est aussi
en ce moment. Ils étaient tous les deux encore étudiants ici il y a peu. " Je suis inquiète tout le temps. Et quand je n'ai pas de coup de fil pendant 2 jours... "

Nazéli a 12 ans et rentre de l'école. En classe de 12ème, à 15 ans, elle suivra comme tous un cours d'instruction militaire, où garçons et filles apprendront
notamment à se servir d'une Kalachnikov. Pour l'instant, elle a ses devoirs à faire. À l'issue de leurs études secondaires, de nombreuses filles arrêtent leur
scolarité pour se marier et fonder une famille. La poursuite d'études est un luxe sans aide humanitaire.

Comme un condensé de l'Arménie de ces dernières décennies... À la sortie d'Ashotsk, une quinzaine de jeunes se retrouvent chaque soir. Artur et sa
femme Alla, anciens champions internationaux de ski de fond, les font transpirer. Faute d'altères, l'entrainement se fait avec des pierres.

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